Hein t'as biché comme un pou, mon lascar.
D'abord, à voir l'état de la mer, revêtue d'un blanc mousseux pour l'occasion.
Ensuite, à voir toutes ces embarcations colorées, les kayaks, les planches de stand up, les pagaies, les simples, les doubles, les chariots... l'effervescence du grand départ.
Et puis évidemment tous ces gens venus pour toi. Plein, qu'on était. L'air comme moi un peu emprunté avec leur fleur qui fait piquer si fort les yeux. Je te voyais d'ici, sautillant de personne en personne : "Hey mec, tu vas bien ?!" "Trop cool, comme ça fait trop plaisiiiiiir de vous voir !!", te fendant à chaque fois de ton sourire qui fait passer Julia Roberts pour une édentée neurasthénique.
En voyant ton kayak vide caracoler parmi les vagues, qu'est-ce que j'ai pleuré, mon ami. J'ai pensé à Dead Man de Jim Jarmush : "Tis time for you to leave now, William Blake. Time for you to go back from where you came". C'est sûr que je t'en aurais parlé la prochaine fois.
Pour t'accompagner, on t'a tous jeté nos fleurs, et puis versé nos larmes d'amour, de tristesse et puis encore d'amour...Les baigneurs vont la trouver vachement salée l'eau du Coz Pors, cet été.
On a ensuite bu et mangé des choses que tu aimais. Là, je dois bien avouer que j'ai eu un peu peur, ô toi que j'aime : c'est quand même pas parce que t'es mort que je vais te qualifier de gastronome ! Le menu allait-il nous contraindre à nous délecter de ton discutable sandwich aux Chipsters, de tes indéfinissables pâtes aux pâtes ("...mais tu rajoutes jamais du jambon, de la sauce tomate...du beurre...ou du sel ???" "Bah non. Pourquoi faire ?? ") ou nous niquer l'estomac au Sunny Delight saveur acide chlorhydrique ? Et bien non. Là, un mojito, ici une part de tarte Tatin, là une frite à la mayo, re-ici un bonbec flashy. J'ai fait dans ton style port-nawak en mélangeant et en arrosant copieusement le tout au champagne rosé. Et j'ai discuté en compagnie de toutes ces personnes qui sont très souvent, il faut bien le dire sans cirer les pompes de quiconque, des belles personnes. Il y a une proportion de cons très inférieure à la moyenne nationale autour de vous, on devrait faire une étude poussée là-dessus, on découvrirait peut-être des douves, des chausse-trappes ou un cercle magique.
Le lendemain matin, armé d'un zoom gros commak, un promeneur à la fibre artistique prenait des photos des fleurs qui jonchaient le sable. " Y a dû y avoir un mariage" l'ai-je entendu dire à Bobonne entre deux clic clac d'obturateur.
Tout juste, Auguste. Le Petit Prince et la mer ont convolé en justes noces hier après midi. Et crois-moi, ces deux-là n'ont pas fini de s'aimer.
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